Une licence humaniste

Jean CEA

 

A côté des licences classiques de nos universités, il est proposé ici un nouveau concept de licence.

Le constat

Plusieurs arguments à priori éloignés les uns des autres convergent vers la nécessité d’ouvrir une autre formation dans l’enseignement supérieur :

1. Dans le futur, nos concitoyens changeront de métier et d’employeur plusieurs fois au cours de leur existence.

2.  De très nombreux étudiants se trouvent en situation d’échec après des tentatives dans les licences classiques.

3. Il y a très souvent une inadéquation entre le métier exercé et les compétences acquises pendant les études universitaires. L’université peut ainsi former des surdiplômés, sans-emplois…  avec des frustrations !

4. En général, particulièrement dans les disciplines scientifiques, l’enseignement suivi laisse peu de place à la culture et à la formation de la personnalité. Il se focalise sur un enseignement pointu, laissant croire que tous les étudiants pourraient devenir des experts dans leur domaine !

5. L’évolution des résultats au baccalauréat laisse prévoir un taux de réussite voisin du 100% très prochainement. Autant dire que la quasi-totalité de la population sera bachelière.

6. Les métiers techniques sont délaissés par les jeunes bacheliers qui les considèrent comme une voie de garage.

  

Conclusion

1. La formation initiale doit préparer les étudiants à affronter plus tard les difficultés d’une vie très évolutive. Il faut les armer de connaissances psychologiques et développer leur personnalité. Il est primordial de développer chez eux l’esprit d’initiative et le sens critique.

2. La nouvelle licence doit favoriser l’acquisition d’une culture générale pour faire de nos jeunes des « humanistes » de notre époque.

3. Elle facilitera l’accès à des compétences techniques conformes aux emplois disponibles.

4. Il est indispensable que la licence s’ouvre au monde de l’entreprise. Mieux, l’acquisition des outils pour ouvrir sa propre entreprise est à encourager.

5. Cet enseignement doit rester souple et bénéficier de nombreuses passerelles pour permettre des changements dans les différents cursus.

 

Une licence innovante :

1. Une partie de cette licence sera commune à tous les étudiants.

Il s’agira de se « frotter » à la culture de notre époque, à l’histoire des civilisations, à l’expression orale et écrite, à la formation de la personnalité, à la connaissance de soi, au respect de l’autre, à l’épanouissement personnel

De plus, il faudra se familiariser avec les outils informatiques et télématiques.

Naturellement, des enseignements brefs mais précis sur la gestion de l’entreprise seront dispensés.

 

2. L’autre partie sera optionnelle : les étudiants seront confrontés à des techniques les plus variées débouchant sur des métiers bien ciblés. Ainsi, il sera possible de former durant les 3 ans de la licence des étudiants motivés capables de travailler dans plusieurs directions, comme par exemple, les métiers de la plomberie, du froid et de la climatisation, de la comptabilité, de l’administration, de l’informatique…

Il est important de signaler que des milliers de directeurs de petites entreprises seront retraités dans un proche avenir. Il faudra donc les remplacer, non pas avec du personnel formé sur le tas mais avec ces nouveaux licenciés qui seront mieux à même d’adapter leurs petites entreprises à l’évolution de la société. Il faut donc ouvrir de nouvelles voies : c’est une chance que l’université devrait saisir. Ainsi à côté des cadres supérieurs, l’université formera aussi des cadres moyens et des artisans d’un type nouveau.

Ces nouveaux étudiants seront plus armés que les étudiants classiques au point de vue psychologique et culturel.

Mise en place

La mise en place d’une telle licence, alliant culture, éthique et technique peut donner lieu à des assises aussi bien nationales que régionales ou locales.

- Assises régionales et locales sur les options à ouvrir : c’est l’occasion d’une grande rencontre entre l’Université, les Chambres de Commerce et d’Industrie, les Chambres des métiers, les entreprises …

- Colloque national sur l’aide à la formation de la personnalité de nos étudiants.

- Colloque national sur le contenu de l’enseignement humaniste de notre temps. Un débat avec des « grands » penseurs (mais pas seulement) serait intéressant.

Pédagogie

La mutualisation : un fonds commun de documents (réels ou virtuels) sera mis à la disposition de la pédagogie, en particulier des vidéos. On s’inspirera de plusieurs réalisations dans le domaine de la diffusion des connaissances :

- La chaine You Tube de l'Académie des Sciences.

- L’Université de tous les savoirs.

- Les conférences du Collège de France.

- Les conférences internationales TED et régionales TEDx

- Les innovations de nombreuses écoles ou universités françaises et étrangères.

- Les groupes (comme « e-penser ») qui font des vidéos de vulgarisation intensive avec de petits moyens. Ils sont très ouverts à des collaborations et à des innovations.

- Le « Pair à Pair » (peer-to-peer) où chacun donne et reçoit. Cette généralisation du tutorat deviendra une pièce maitresse dans cet enseignement. Il réussit parfaitement en Médecine à l’Université de Nice Sophia Antipolis.

 - Signalons aussi l’école Epitech avec son « modèle éducatif collaboratif et synergique ». Elle forme des ingénieurs dans différentes branches de l’informatique. Et puis, il y a le cas particulier de l’école « 42 » : c’est une création de Xavier Niel, propriétaire de FREE. Elle est adaptée à une situation extrême, un besoin énorme de codeurs. Son slogan « Born to code » justifie sa pédagogie spéciale.

- L’utilisation intensive des technologies de l’information contribuera à la création du fonds commun interactif.

- Stages ou alternance (par exemple 3 jours à l’université, 2 jours en entreprise) feront partie du cursus.

 

Une nouvelle université

Avec cette nouvelle licence, l’université deviendra plus attrayante en offrant des options les plus variées. Les jeunes seront créatifs et innovants.

A la longue, avec une partie culturelle importante, cette licence contribuera à réconcilier les études « théoriques » et « pratiques », entre « intellectuels » et « manuels ». Former des artisans, des techniciens, des cadres moyens… compétents, des cadres tout court, heureux et cultivés est une source de richesse aussi bien pour les individus que pour le pays.

Les succès à l’embauche des premières promotions formées garantiront le succès de cette licence.

L’installation de cette licence se fera progressivement et coexistera avec les autres licences existantes. On peut d’ailleurs penser qu’elle les fera évoluer, qu’elles s’enrichiront les unes les autres.

Avant toute généralisation, cette licence devrait être testée dans quelques universités, le risque d’échec est faible. Les enseignements du test seront riches.

Structure

La structure qui abritera ces nouveaux enseignements devra bénéficier d’une certaine indépendance qui lui permettra de tester une nouvelle pédagogie, d’innover, d’évoluer et de recruter avec une grande liberté. Un premier exemple : la structure de « UCLA Extension » permet à l’Université de Californie à Los Angeles de développer des activités nombreuses et variées à côté de l’université proprement dite. Un deuxième exemple d’une approche assez voisine : l’École d’éducation permanente (EEP) de la fameuse université canadienne McGill à Montréal.

Aide à la formation dans des pays à démographie galopante

Le principe de mutualisation de cet enseignement va produire de nombreux outils pour la formation. Ils pourront servir un peu partout dans le monde francophone et davantage si des traductions sont réalisées. Il y a là un moyen pour faciliter une formation économique et de qualité dans les pays en développement. En Afrique, la population va passer de 1,3 milliard d’habitants à 2,5 milliards en 35 ans. Une formation classique exigerait une quantité énorme d’enseignants et de techniciens ; elle ne pourra pas suivre cette démographie, il faut inventer une autre pédagogie. Des visites récentes du Président de la République Française dans des pays africains montrent que la France veut soutenir le continent africain dans son développement. L’aide à l’élaboration d’une nouvelle pédagogie sera très efficace.

 

Et puis, c’est un moyen de défendre la langue française face aux logiciels américains qui vont débarquer massivement en Afrique !

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