La manœuvre de Guillemard

 

C’est un coup technique qui permet de récupérer une levée dans le cas où une mauvaise distribution adverse dans une couleur secondaire est compensée par une distribution convenable à l’atout. Elle consiste souvent à laisser trainer un atout (et un seul dans le camp adverse). Le principe de cette manœuvre est le suivant : on donne un nombre de tours d’atouts nécessaires pour épuiser un des adversaires, ainsi, il ne pourra plus couper la couleur secondaire, mais l’autre adversaire non plus (alors qu’il a un atout) … parce qu’il peut fournir !

Nous supposons que nous avons dû éliminer de notre plan de jeu tout autre coup qui pourrait ramener une levée manquante, en particulier le mort inversé ou le squeeze.

 

Exemple 1, cas classique : 8 atouts (5+3) et 7 cartes (4+3) dans une couleur secondaire

 

Atouts = ♠ : Nord-Sud détiennent 8 atouts par As Roi Dame, il en reste 5 pour Est-Ouest. Nous supposons qu’ils sont répartis 3-2.

Couleur secondaire = : Est-Ouest y détiennent 7 cartes par As Roi Dame, il en reste 6 pour Est-Ouest.

Il s’agit pour Nord Sud de faire toutes les levées, si c’est possible !

Tout va se jouer sur les répartitions. Pour clarifier la technique, on se limite aux couleurs concernées et on regroupe les honneurs dans la main de Sud ; voici les cas les plus probables (on peut échanger les jeux de Est et de Ouest, cela n’a aucune importance ici) :

 

  Cas 1       Cas 2       Cas 3  
  xxx       xxx       ♠ xxx  
  xxx       xxx       xxx  
                     
xxx   xx   xxx   xx   xx   xxx
Vxx   xxx   Vxxx   xx   Vxxx   xx
                     
  ARDxx       ARDxx       ARDxx  
  ARDx       ARDx       ARDx  

 

Les diverses situations :

Cas 1 : cas très favorable avec une répartition 3-3 dans la couleur annexe. N-S feront 9 levées

Cas 2 : la répartition adverse dans la couleur secondaire est défavorable, mais c’est le même adversaire qui est long à l’atout (3 cartes) et long à la couleur secondaire (4 cartes).

Cas 3 : un adversaire est long à l’atout et court à la couleur secondaire, pour l’autre c’est le contraire.

 

Mode opératoire de la manœuvre de Guillemard dans le cas classique :

  1. Deux tours d’atouts.
  2. Trois tours de la couleur secondaire :
  • Si les adversaires fournissent (cas 1), on donne un troisième tour d'atout, puis le treizième cœur qui est maître.
  • Si un adversaire défausse (cas 2), on donne un quatrième tour dans la couleur secondaire  que le mort coupera.
  • Si un adversaire coupe (cas 3), il n’y avait rien à faire. On n’a rien perdu, on a échangé une perdante (au quatrième tour : Valet de ♥) contre une coupe adverse (au troisième tour).

 

C’est dans le cas 2 (long, long) que la manœuvre de Guillemard fait gagner une levée par rapport au plan de jeu qui consiste à jouer trois tours d’atout. Attention : il faut que Sud se garde une rentrée en main pour enlever le dernier atout adverse.

A savoir : la manœuvre de Guillemard ne fait jamais perdre une levée !

Notons ceci : au troisième tour de la couleur secondaire, il vaut mieux partir d’un petit vers un honneur ; si un adversaire coupe, on mettra une petite carte, et on sera maître à la quatrième levée. De plus, il restera un atout au mort.

 

Cette technique peut être utilisée dans plusieurs situations.

 

Exemple 2 : 8 atouts et 7 cartes dans la couleur secondaire, mais nous n’avons que As Roi dans cette couleur.

 

  Cas 1       Cas 2       Cas 3  
  xxx       xxx       ♠ xxx  
  xxx       xxx       xxx  
                     
xxx   xx   xxx   xx   xx   xxx
DVx   xxx   DVxx   xx   DVxx   xx
                     
  ARDxx       ARDxx       ARDxx  
  ARxx       ARxx       ARxx  

 

Mode opératoire : on commence par un coup blanc dans la couleur secondaire et on se retrouve exactement dans le cas classique.

Par crainte d’une très mauvaise distribution adverse, on peut commencer par un tour d’atout avant le coup à blanc ; on se gardera d’en donner 2 avant le coup à blanc, sinon, les adversaires prendront la main et rejoueront un troisième tour d’atout pour épuiser Nord.

 

Exemple 3 : 8 atouts (5+3) et 8 cartes (5+3) dans la couleur secondaire

 

  Cas 1       Cas 2       Cas 3  
  xxx       xxx       ♠ xxx  
  xxx       xxx       xxx  
                     
xxx   xx   xxx   xx   xx   xxx
Vxx   xx   Vxxx   x   Vxxx   x
                     
  ARDxx       ARDxx       ARDxx  
  ARDxx       ARDxx       ARDxx  

 

Mode opératoire :

  1. Deux tours d’atouts.
  2. Deux tours de la couleur secondaire :
  • Si les adversaires fournissent (cas 1), on donne un troisième tour d’atout, puis la couleur secondaire qui est maîtresse.
  • Si un adversaire défausse (cas 2), on donne un troisième, puis un quatrième tour dans la couleur secondaire que le mort coupera.
  • Si un adversaire coupe (cas 3), il n’y avait rien à faire.

 

Exemple 4 : 8 atouts (6+2) et 7 cartes (4+3) dans la couleur secondaire, barrage adverse.

 

  Cas 1  
  xx  
  xxx  
     
VX98   x
VXxx   xx
     
  ARDxxx  
  ARDx  

 

Dans cette situation, si on donne nos deux tours d’atouts le mort ne pourra plus rien couper. Mais, si un adversaire a fait un barrage à 3 Trèfles, on peut supposer qu’il est court à l’atout.

Mode opératoire : nous ne ferons qu’un seul tour d’atout avant d’attaquer les 3 tours de la couleur secondaire.

 

Exemple 5 : 8 atouts (4+4) et 6 cartes (4+2) dans la couleur secondaire

 

  Cas 1  
  xxxx  
  xx  
     
Vxx   xx
VXxx   xxx
     
  ARDxx  
  ARxx  

 

Mode opératoire : 2 tours d’atouts, A et R couleur secondaire, puis 2 coupes au mort

 

Exemple 6 : 8 atouts et 7 cartes dans la couleur secondaire, mais on n’a que l’As et le Roi à l’atout et l’As dans la couleur secondaire.

 

  Cas 1       Cas 2       Cas 3  
  xxx       xxx       ♠ xxx  
  xxx       xxx       xxx  
                     
Dxx   VX   Dxx   VX   Dx   VXx
RDV   xxx   RDVx   xx   RDVx   xx
                     
  ARxxx       ARxxx       ARxxx  
  Axxx       Axxx       Axxx  

 

Mode opératoire : 0 tour d’atout, As dans la couleur secondaire et on insiste, il est probable que les adversaires vont continuer la couleur. Dans le cas 1 tout va bien, il faudra enlever les atouts, il restera la dame d’atout chez un adversaire, on pourra se faire couper le dernier coeur. Dans le cas 3, l’adversaire qui va couper ou surcouper au quatrième tour (à cause de la présence d’un atout au mort) est celui qui est long à l’atout, il le fera avec son argent. Les adversaires pourront toujours jouer atout, ils ont un temps de retard et ne réussiront pas à assécher le mort. Dès la reprise de main, on enlève les atouts adverses. Notons que cette fois-ci, c’est le cas 3 qui est gagnant, l’adversaire est long à l’atout mais court à la couleur ; alors que la situation 2 est perdante.

 

Exemple 7 : voici pour terminer un exemple intéressant d’utilisation de la même idée (long-long) dans le cadre d’un jeu de sécurité. Il est inspiré par Philippe Caralp ; son excellent ouvrage « Les coups techniques à la carte » contient une mine d’exemples. A mettre entre toutes les mains.

 

  Cas 1       Cas 2       Cas 3  
  Axx       Axx       ♠ Axx  
  Axxxx       Axxx       Axxx  
                     
Vxx   xx   Vxx   xx   Vx   xxx
Xxx   xx   Xxxx   x   Xxxx   x
                     
  RDxxx       RDxxx       RDxxx  
  RDV       RDV       RDV  

 

Mode opératoire

  1. Deux tours d’atouts par R D.
  2. Deux tours de la couleur secondaire par R D :
  • Si les adversaires fournissent (cas 1), on donne un troisième tour d’atout, puis As x x dans la couleur secondaire (l’As prend le Valet).
  • Si un adversaire défausse (cas 2), on donne un troisième tour dans la couleur secondaire  par V et petit au mort. Puis atout pour l’atout maître du mort, puis As puis x dans la couleur secondaire.
  • Si un adversaire coupe (cas 3), il n’y avait rien à faire.

 

Attention à l’ordre des honneurs, au timing !

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